États-Unis 2014

Nos cousins d'Amérique II

Nos cousins d'Amérique II

Je m'excuse à l'avance pour les gros pavés de lecture et le peu de photos : des endroits où les photos ne sont pas vraiment bien perçues, une envie de profiter de ce dernier jour "en famille" et des anecdotes qui nous ont marquées et que j'aimerais donc partager... Voilà le pourquoi du comment. Bon courage !

Au petit matin, Margaret est dans sa rocking chair du salon avec le dessous de table alsacien qui comporte des recettes : c'était l'un de nos cadeaux. Elle a sa table de conversion des unités de mesure en main… en cherchant désespérément les décilitres. Il faut dire qu'elle se lève souvent vers 5h30. Elle fait parfois quelques longueurs à la piscine de la ville dès 6h…
Aujourd'hui on prend notre temps pour débuter la journée. On discute de choses et d'autres en prenant le petit déjeuner au salon.

Margaret a prévu de nous emmener en pays amish, à Kalona plus précisément, une petite ville de 2000 habitants. Non loin de là se trouve le plus grand rassemblement d'amish à l'ouest du Missisippi, c'est aussi le plus ancien d'Iowa. Étant en pays amish, je décide de laisser mon appareil photo dans la voiture puisqu'il est bien connu qu'ils n'aiment pas être pris en photo. Pas grave, les souvenirs sont dans la tête ! Je n'en prendrai qu'une dans la ville.

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On visite plusieurs petites boutiques d'antiquités et de production amish de Quilt : dessus de lit et autres tapisseries en patchwork, de petites épiceries, etc. Dans l'une de ces boutiques, la gérante nous parle d'une vente aux enchères qui se déroule aujourd'hui en ville. On prend note de l'adresse.

On arrive sur place quelques minutes plus tard. À l'extérieur, une vente aux enchères de bottes de foin vient de finir. On croise une femme qui nous renseigne avec le sourire, en nous indiquant le chemin : non, la vente n'est pas encore finie à l'intérieur.
Autant dire que nous faisons un peu tâche au milieu de ces fermiers à l'allure de cowboys. La vente est effectivement en cours. On se positionne discrètement tout en haut de "l'arène", juste derrière deux fermiers assis, en train d'enchérir. Sur le moment, tout ça nous paraît irréel ou bien tout droit sorti d'un film. Je n'avais pas pris de photo alors après une petite recherche, voilà une photo de la salle en question (source) :

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La salle de vente aux enchères de Kalona, IA

Nous voilà à une vente aux enchères de bétail entourés de "vrais" fermiers d'Iowa. On entamera la conversation avec deux d'entre eux. Ils ont tous les deux la cinquantaine, l'un est plus distingué que l'autre, avec chemise, jeans, lunettes, cheveux et barbe blanche. L'autre est un peu enrobé, habillé en salopette. Ils sont bien étonnés d'apprendre qu'on vient de France. En même temps, je les comprends. Que font deux touristes français dans une vente aux enchères de bétail en plein milieu de l'Iowa ?! "Oh vous avez de la bonne viande en France, comme la Charolaise."
Le speaker parle à une vitesse folle, on a du mal à croire que ce sont des mots qui sortent de sa bouche. On dirait plutôt des sons étranges avec une intonation plus poussée de temps en temps pour souligner la montée des prix. Autant dire qu'on ne comprend rien. Ça nous rassure quand Margaret nous dit qu'elle non plus ne comprend pas grand-chose. Les différents "lots" composés de deux, trois, ou même cinq ou six vaches passent à une vitesse… À peine elles sortent de l'arène, que d'autres arrivent. Deux hommes s'occupent de les diriger, ils se cachent derrière des parois en ferraille quand elles sont un peu trop nerveuses…
Les fermiers ont en main un petit papier sur lequel ils notent les infos des lots qu'ils ont remportés aux enchères.
- "Comment vous savez que vous remportez l'enchère ?" demande Margaret.
- "Quand personne d'autre n'a enchéri", dit-il en rigolant.
Oui, sauf qu'on ne les entend pas crier de prix, qu'on ne les voit pas brandir une pancarte. Alors comment font-ils pour enchérir ? On ne voit rien, on n'entend rien. La main posée sur son genou, il lève juste un peu l'index. C'est extrêmement subtil et discret. D'ailleurs même ça, on aura du mal à le voir chez les autres fermiers; à moins qu'ils n'utilisent une autre méthode tout aussi subtile… Le fermier avec qui on parle continue d'ailleurs d'enchérir pendant qu'il discute. On se dit qu'il vaut mieux garder les mains bien cachées, de peur d'acheter du bétail sans le faire exprès ! On aurait l'air malin à ramener des vaches en avion... Pas sûr que ça passe la douane.
Le fermier à salopette tend un bout de papier à Margaret. Elle le prend sans remarquer ce que c'est. Décidément, ils veulent qu'on en achète ! "Oh no, no, no !" elle s'exclame en rigolant alors qu'elle comprend ce que c'est.

Le fermier a déjà acheté plus de 200 vaches aujourd'hui. Son compère à salopette passe d'ailleurs un coup de téléphone pour faire venir plus de trucks. Leur moyen de transport ? Un pick-up qui tire la remorque. Il y en a plusieurs d'alignés à l'entrée mais ça ne va pas suffire. Il les a achetés pour les abattre un peu plus tard. "Elles ont l'air en forme !" lui dit Margaret, à quoi le fermier répond en rigolant "Elles le seront moins dans quelques heures…" Moi qui travaille dans l'agro-alimentaire et la viande plus précisément, à ce moment-là, je vois mes steaks différemment… Pauvres bêtes !

On reste encore là à assister au "spectacle" (qui est leur quotidien) pendant plusieurs minutes. On se sent bien là, à être témoin de la vie ordinaire des fermiers d'Iowa… ce qu'on a rarement l'occasion de voir. On profite donc de cette expérience, dans la bonne humeur.

Il est l'heure de continuer notre petite virée dans le pays amish. On essaie maintenant de trouver les magasins alimentaires de la région gérés par les amish. Il y en a plusieurs. En route, on passe à côté d'une école amish où les enfants sont à l'extérieur : les filles assises en arc de cercle d'un côté pendant que les garçons sont un peu plus loin.
On emprunte des routes en gravier. C'est pour ça qu'elle ne voulait pas qu'on prenne notre voiture : pour ne pas la rayer, ni crever un pneu ! C'est d'ailleurs sur une de ces routes qu'on croise un homme amish en trottinette : avec son collier de barbe, sa chemise blanche, ses bretelles et son chapeau, il me fait penser à Tom Sawyer ou Huckleberry Finn, tout droit sorti des livres de Mark Twain… On lui demande le chemin pour un magasin amish, le plus grand de la région. Quand on arrive sur place, un car de touristes est en train de partir… Il se trouve que les produits sont moins chers qu'en grande surface car vendus en plus grosse quantité. Vous voyez le sac de terreau de 40 litres à votre jardinerie ? Et bien chez eux, c'est la taille de leur sachet de sucre…

Une autre curiosité dans la région est la "ferme octogonale" qui date de 1883, autant dire que c'est plutôt rare. Sauf qu'on n'a pas l'adresse exacte. Margaret s'arrête dans un autre chemin en gravier, à côté d'une ferme. Des hommes sont en train de creuser un trou (pourvu qu'ils ne soient pas en train d'enterrer un corps...). Margaret et Stéphane vont leur demander le chemin. Comme toutes les fois où l'on a demandé notre chemin ces derniers jours, ils sont ravis de nous renseigner.

on n'a pas prévu de repas pour midi… Celui-ci va être très diététique puisqu'il va se résumer à : fromage, popcorn et glace.

Eh oui, Margaret veut nous faire visiter une fromagerie qui vient de fermer une semaine auparavant, sans préavis, après avoir été rachetée par la concurrence… Le magasin est toujours ouvert et on peut tous les goûter ! On y trouve de tout. Le "roulé" aux fines herbes importé de France, du gruyère suisse, du cheddar, de la mozzarella… Certains sont importés, d'autres sont produits dans le pays, comme celui fabriqué dans le Winsconsin. Et puis il y a les cheese curds qui étaient produit sur place. Je trouve que la texture ressemble à du caoutchouc mais Stéphane aime bien. Allez, va pour un paquet. On embarquera aussi du Roulé pour faire goûter au repas de famille de ce soir et celui du Winsconsin. On en goûte des dizaines. Du cheddar au piment… à voir la tête de Stéphane et de Margaret, j'ai bien fait de ne pas goûter ! Ça arrache…
La vendeuse qui nous a servie était très serviable, souriante. On discute un peu avec elle de la fermeture, des différents fromages. Margaret lui explique qu'on est français (niveau fromage on s'y connait donc un peu) et qu'on est de la parenté éloignée. En partant elle nous dit en souriant "I would love to have relatives in France!" et nous souhaite un bon retour.
Margaret voulait nous faire goûter une sorte spéciale de popcorns mais pour l'instant on en a pas trouvé. Ceuxde la fromagerie sont ceux qui s'y rapprochent le plus. Ils ont été amenés par les amish en charrette. On les grignotera dans la voiture, en route pour notre prochaine étape : Coralville.

Pour le dîner de ce soir, elle veut acheter de la glace. Et les meilleures se trouvent selon elle au Coral Ridge Mall. Elle en achète plusieurs sortes et nous offre notre dessert qu'on mangera en regardant des joueurs de hockey s'entraîner. Oui, il y a une patinoire dans le hall du centre commercial…

On prend le chemin du retour en milieu d'après-midi. Il faut préparer le repas du soir et c'est vrai que chez eux, ils mangent tôt ! Alors qu'on revient à la maison, Margaret remarque que la porte du garage de son voisin de derrière est ouverte. C'est signe qu'il est là. Elle sait que Stéphane aime les belles voitures, et les belles (voitures) américaines. Elle nous dit donc de la suivre. Ce voisin, Jim, a une Avanti bleue. Une voiture américaine construite à la main dans les années 60 et elle tient à ce qu'on la voit. Sauf que celle dans son garage est rouge. Il vient d'échanger sa Mercedes contre une nouvelle voiture. Une Avanti, de nouveau, mais rouge qu'il va retaper. C'est sa passion. Il nous ouvre les portes pour qu'on regarde l'intérieur, nous montre des photos des anciennes voitures qu'il a restaurées. Margaret lui demande ce qu'il a fait de la bleue. "Oh, elle est à un pâté de maison, dans mon autre garage. Venez, je vais vous la montrer !" Margaret nous dit de le suivre pendant qu'elle commence à préparer le dîner. "Vous savez où me trouver !" Jim lui dit "Je te les ramène !" On discute en marchant tranquillement vers son garage. Il nous demande comment on connait Margaret, qui est apparemment la plus gentille femme qu'il ait jamais rencontrée. On parle de choses et d'autres, d'un jeune voisin qui vient boire sa bière dans son garage pendant qu'il retape sa voiture. "Il est le bienvenu, il est sympa" dit-il. Et il nous dit qu'il a passé l'après-midi à un enterrement militaire où il était en tenu, étant lui-même vétéran. C'est le deuxième en une semaine...
Après avoir admiré son Aventi (magnifique !) et parlé mécanique (enfin surtout Stéphane hein !), on revient vers sa maison. C'est là qu'il nous dit "Il faut que je vous présente à ma femme!" Il nous fait alors rentrer chez lui pour partager quelques mots avec sa femme, Janice… alors que nous sommes de parfaits inconnus. En voilà une autre expérience qui nous aura marquée !

On file vite à la Poste pour poster nos cartes postales mais on arrive devant des portes closes. Déjà ? Ça par contre, ça nous rappelle la France… On en profite pour faire un petit tour en ville.

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Ce soir nous dinons avec des frères et sœurs de Margaret : Ferd, qu'on a rencontré la veille, Joan, Martha, et Tom, petit frère de 55 ans qui vient accompagné de son fils, Nick, d'une vingtaine d'année.

Ferd est le premier à arriver vers 18h, toujours aussi décontracté. Margaret plaisante d'ailleurs à propos de sa tenue très décontractée (vieux short et T-shirt avec bretelles) : "Tu t'es mis sur ton 31 ce soir !" On parle de notre journée en attendant le reste de la famille. Quand ils arrivent, le ton est donné : Tom qui est assez costaud prend Stéphane par l'épaule, lui demande comment ça va avec une énergie débordante, lui dit qu'il est le bienvenu et il nous offre deux casquettes de la marque de tracteurs du coin. On est tout sourire !

On s'assoit tous au salon pour l'apéritif qui consiste en différents fromages accompagnés de crackers. On s'embête pas, on pioche dedans avec le couteau. Margaret nous avait prévenu : ils vont vouloir vous poser des tas de questions ! C'est le cas. Mais on ne s'en tire pas trop mal apparemment. On arrive à suivre la discussion et à répondre à chacun. On parle de voyages, de politique, de la famille, de nos pays et systèmes respectifs. Au bout de cinq minutes, on se croirait dans un repas de famille comme on peut en tenir tous les ans. Et pourtant, c'est la première fois qu'on les rencontre. Avant qu'il ne fasse nuit, on se positionne tous sur les marches du porche devant la maison pour une photo de famille. Je sors le trépied et cheeeese !

On rigole bien tous ensemble autour du dîner ! Margaret a cuisiné une sorte de bœuf bourguignon avec de la purée, des légumes et Joan a ramené des raisins dans une sorte de crème… De la glace, des cookies et autres sucreries pour le désert. Un régal.
Tom travaille dans une usine de la région : de 5h du matin à 15h… sept jours sur sept. Oui c'est légal. Et pourtant il est plein d'énergie ! La prochaine fois, on restera plus longtemps pour profiter de la compagnie de chacun. Tom veut nous emmener faire un tour sur son tracteur ! On discute de tout. Du métier de chacun, de leurs familles, de notre système social, des débuts de nos vacances et de notre PV de Chicago, du fait que le permis français n'est pas à renouveler (ça ils nous l'envie !)… Ils parlent d'ISIS. Sur le moment on ne sait pas ce que c'est… il faut dire qu'on ne regarde pas les infos en vacances. On ne comprendra qu'après être revenu en France (le groupe Daech).

Il est 20h quand ils commencent à partir. Ils ont fait beaucoup de route pour venir en plein milieu de la semaine alors qu'ils doivent retravailler tôt le lendemain. On leur en est très reconnaissant. Quand ils sont venus, c'était une poignée de main… Au moment de partir, ils nous prennent dans les bras. Dur de les voir partir. Déjà ! Joan et Martha grimpent dans leur GMC Denali. On blague sur la taille de ce SUV alors qu'elle est debout sur le marche-pieds. "Au moins, j'ai de la place pour les courses !" dit-elle en rigolant. On remercie encore chaleureusement Ferd pour toutes les visites. Un dernier hug avec lui, Tom et Nick avant qu'ils ne prennent la route… En espérant les revoir, soit en Iowa, soit en Alsace ! Ils seront les bienvenus.

On revient s'assoir au salon avec Margaret. C'est bien calme tout d'un coup ! Elle nous explique qu'avec ses sœurs, elles surnomment Tom "Popccorn" parce qu'il parle beaucoup, passe d'un sujet à un autre et n'écoute pas forcément les réponses. On rigole bien en la voyant mimer du popcorn au micro-onde pour décrire son frère. On reste là à discuter de la société, de politique, des différents partis, des élections, de Lincoln, de l'éducation… jusqu'à plus de minuit. On n'a pas vu le temps passer. C'est tellement intéressant et enrichissant de parler de tous ces sujets avec une personne qui a toujours vécu dans ce pays et qui a donc une vision différente de tout ça. Pourtant, on se rejoint sur plusieurs points. On profite encore de cette dernière soirée en sa compagnie.

Demain, on retourne déjà sur Chicago. Cette expérience a été beaucoup trop courte !

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